Dans un contexte à la fois de restriction des dépenses de l’État, d’obligation pour l’Éducation nationale (et donc les écoles) d’intégrer l’apprentissage de la nage, et de nouveaux enjeux durables, le sujet de la réhabilitation des piscines publiques est crucial et passionnant. Après avoir assisté aux conférences « piscine publique » du salon Piscine Global, nous avons identifié 10 commandements pour une réhabilitation réussie.
1. Respecter l’architecture et l’histoire des lieux
La réhabilitation signifie que l’on va conserver une partie (plus ou moins significative) de l’équipement aquatique en place, qui sera transformé, amélioré et peut-être agrandi. Outre la dimension économique de la réhabilitation au regard du coût d’une construction neuve, il convient de considérer les autres dimensions du lieu : historiques, sociales, paysagères, urbanistiques, émotionnelles, culturelles… Les contraintes seront variables : plus importantes si la piscine est dans le giron des Bâtiments de France, plus souples avec un PLU simplifié, mais jamais absentes.
Qui dit réhabilitation dit réemploi de matériaux, valorisation de l’existant, actualisation aux nouveaux besoins, fidélité à la création architecturale originelle, etc. Chaque piscine publique a son histoire : on tourne une page, oui, mais pour écrire le tome suivant d’une belle saga, pas un nouveau livre.
2. Offrir une nouvelle polyvalence au site
Les usages des équipements aquatiques évoluent. Ils sont rarement utilisés seulement par le club de natation local. Les activités autour de l’eau se sont multipliées : bébés nageurs, ateliers d’aquaphobie, bien-être et détente, initiation à la plongée, aquabiking, fitness… La réhabilitation permet de les accueillir dans toute leur diversité grâce à des espaces aménageables.
Le changement du bassin peut autoriser de nouvelles options : fond mobile pour une adaptation aux différentes activités, options d’inclinaison pour un effet « plage » et une baignade ludique plus sécurisée…Prévoir la polyvalence, c’est aussi jouer sur les jauges du site, souvent plus restreintes en hiver (accès limité aux écoles et associations sportives) et plus grandes en été (accueil de la baignade de loisir).
3. Anticiper et faciliter la maintenance
La maintenance et l’entretien sont des enjeux pratiques à positionner au premier plan des réflexions sur la réhabilitation. Faciliter l’accès à ces espaces techniques, fluidifier la circulation, privilégier des équipements ergonomiques et durables, tout cela œuvre en faveur de l’efficience de la piscine : fonctionnement optimisé, rapidité des interventions, diminution de la survenance de pannes, réduction du délai des arrêts techniques… La mise en place d’installations connectées, grâce à des logiciels de contrôle à distance, avec alertes en temps réel et recommandations spécifiques, est un atout clé à la fois pour l’entretien et la pérennité de la piscine.
4. Favoriser les économies d’énergie et d’eau
Faire des économies d’énergie et d’eau est un sujet essentiel de toute réhabilitation. Les piscines d’aujourd’hui misent sur la sobriété énergétique et des consommations maîtrisées, donc diminuées. Cela passera par le fait de privilégier des énergies renouvelables (panneaux photovoltaïques sur les toits, par exemple), des pompes à chaleur avec réemploi de l’air chaud, des installations bioclimatiques, des systèmes de filtration plus efficients, des équipements de maintenance connectés pour un contrôle continu de l’eau et des actions ciblées instantanées… Les possibilités sont nombreuses !
5. Penser intelligemment les baies vitrées
Les baies vitrées donnant vers l’extérieur sont un sujet de divergences dans l’univers de la réhabilitation des piscines. D’un côté, il y a les partisans de la plus-value esthétique de ces surfaces transparentes qui laissent entrer le soleil et apportent modernité et légèreté au site. De l’autre, il y a les défenseurs de la frugalité énergétique qui y voient plus de problèmes que d’atouts : déperdition de chaleur l’hiver, inconfort l’été… Les préconisations vont sur un compromis : des baies vitrées bioclimatiques (avec volets ou éléments permettant de créer de l’ombre), des baies vitrées partielles (sur la moitié basse du bâtiment et non sur la totalité de la façade) ou encore des baies vitrées équipées de moucharabiés ou autres ornements fonctionnels.
6. Laisser de la place à la nature et à la biodiversité
La préoccupation écoresponsable de la réhabilitation dépasse le seul bâtiment. Elle concerne également son environnement paysager immédiat. On pensera alors à mettre en place des espaces de verdure avec des arbres, des haies, du gazon, ainsi que des nichoirs à oiseaux, hôtels à insectes et passages à faune. Ces « détails » représentent une vraie valeur ajoutée pour l’ensemble du site. Pour les espaces verts, on privilégiera un système de récupération d’eau de pluie, par exemple.
Les toits végétalisés sont aussi une solution plébiscitée.
7. Étendre les usages du site
Réhabiliter une piscine va permettre d’étendre son usage et de lui donner un rôle dans la vie sociale et culturelle de son territoire. La piscine n’est plus un simple bassin de natation : elle devient un lieu de loisirs multiples. La réhabilitation peut, entre autres, être l’occasion d’une nouvelle mise en lumière pour une fréquentation nocturne dans une ambiance attractive. Certaines piscines accueillent désormais des séances de cinéma ou des sessions de danse, les pieds dans l’eau.
8. Redonner de la plus-value aux espaces annexes
Les vestiaires et les douches font partie de l’expérience de visite. Or ces derniers restent trop fréquemment les parents pauvres de l’ensemble. Réfléchir aux vestiaires est crucial, car ils sont un espace clé du plaisir de baignade. Un lieu intelligemment agencé avec des casiers de différentes tailles, des surfaces à hauteurs variées pour poser ses affaires, des équipements bien pensés concourent à un vrai confort d’utilisation du site dans sa globalité.
9. Prévenir les incivilités
La piscine est encore trop souvent un lieu d’incivilités. Certains publics peuvent être la proie d’agissements déplacés : attitudes inappropriées adultes-enfants ou hommes-femmes. Une architecture bien pensée peut contribuer à réduire et mieux surveiller ces conduites regrettables. C’est le cas d’installations misant sur la « co-visibilité », comme un espace de douches ouvert vers les bassins. En effet, en étant « à vue », les personnes mal intentionnées perdent toute latitude à agir librement. Une attention automatique se met naturellement en place.
10. Séduire et augmenter la fréquentation
Enfin, la réhabilitation représente l’opportunité, si tant est que ce soit le souhait du maître d’ouvrage, de réenchanter son équipement et donc d’attirer un public plus nombreux, non seulement grâce au site, mais aussi grâce aux nouvelles animations qu’il pourra mettre en place. La réhabilitation permet une augmentation de la fréquentation, donc plus de rentabilité de l’espace aquatique, mais avec une consommation énergétique restreinte, soit un coût (économique et environnemental) de l’installation diminué au regard du nombre d’usagers.
La réhabilitation des piscines publiques ne se limite pas à une simple transformation ou modernisation des infrastructures : elle constitue une chance de repenser leur vocation, de valoriser leur patrimoine et de relever les défis environnementaux et sociétaux de notre époque. Si ces 10 commandements offrent une base de réflexion pour des projets durables et adaptés aux besoins actuels, de nombreuses perspectives restent à explorer.
Concevoir des équipements à la hauteur des enjeux de demain est un défi, certes, mais un défi passionnant que les maîtres d’ouvrage comme les architectes prennent désormais à bras-le-corps. Ils peuvent s’appuyer pour cela sur l’expertise des professionnels de la piscine qui ciblent ce type de projets avec des solutions techniques adaptées.
Sources et approfondissements :
Conférences en vidéo du salon Piscine Global :
- « Du plaisir de la réhabilitation et du réemploi dans les piscines publiques, ou comment faire tout aussi bien mais avec plus de sens ? », par William Vassal, architecte, Z Architecture.
- « Le centre nautique et sportif de Gerland — Restauration et restructuration d’un patrimoine lyonnais remarquable », par Claire Bertrand, architecte associée, présidente, 4_32 Architecte
- « Comment utiliser les matériaux biosourcés ? Présentation du projet centre nautique Pierre-Mendès — Label biosourcé de niveau 3 », par Pierre Fournier, manager d’activité chez Hervé Thermique, Frédéric Lacheray, directeur commercial de Spie Batignolles, Stéphane Peillet, adjoint en charge des voiries de Saint-Priest, Laurent Scheiwe, adjoint aux sports de Saint-Priest.