CF group est aujourd’hui un acteur européen d’importance sur les marchés du sur-mesure, du traitement de l’eau et des équipements du bassin. Entre stratégie d’innovation et organisation commerciale, comment le groupe se prépare-t-il à relever les défis de demain ?
Entretien avec Sébastien Guillot, directeur général de CF group France.
Enjeux Piscine : pourquoi cette évolution de la stratégie du groupe ?
Sébastien Guillot : « Notre stratégie évolue pour renforcer notre position sur le marché. Cela passe par la concentration de notre offre produit autour de 3 univers pour proposer des solutions alignées avec les attentes des clients, plus innovantes et durables.
Nous faisons le choix de concentrer nos activités sur :
- le sur-mesure avec la marque DEL, qui comprend toutes nos solutions de couvertures et d’étanchéité. Notre stratégie est « Une piscine, une couverture ». En intégrant les gammes Roldeck et Océa, nous avons élargi notre offre et proposons désormais des solutions de couverture pour tous les budgets afin que chaque bassin puisse être protégé. Objectif, réduire la consommation en eau, en produits et la facture énergétique du client, tout en lui permettant de profiter davantage de sa piscine. Ce sont des marchés sur lesquels nous restons leader grâce à des économies d’échelle et beaucoup d’innovations. Quant aux solutions d’étanchéité, nous proposons notamment un nouveau liner 3D texturé en 95/100e, le Xtra à effet pierre fabriqué en France ;
- le traitement de l’eau avec la marque Chemoform. Nous connaissons une forte progression sur la chimie et sommes désormais dans le top 3 des acteurs européens. Nous disposons aujourd’hui d’une grande profondeur de gamme avec 88 références de produits ;
- et les équipements du bassin et du local technique sous la marque CF (ex Vitalia), qui comprend notamment nos pièces à sceller et coffrets électriques fabriqués dans nos usines en Tunisie.
Améliorer nos performances opérationnelles pour renforcer la proximité avec le client
Cette simplification s’articule autour de trois pôles : industriel, commerce et support.
Industriel, tout d’abord, en focalisant nos investissements et nos capacités d’innovation et de production sur ces trois univers et en travaillant au renforcement des synergies entre les différents sites du groupe pour une optimisation des ressources et un partage accéléré des compétences. En l’occurrence :
- le site de Brécé (35) avec ses 16 000 m² devient le centre d’expertise des produits sur mesure,
- le site de Saint-Quentin-Fallavier (38) avec son bâtiment logistique de 8 000 m² et de 10 mètres de haut, et son implantation géographique au barycentre du secteur piscine, nous permet de livrer en 24 à 48h nos clients,
- quant à celui de Saint-Rémy-de-Provence (13), ses 10 000 m² restent principalement dédiés au traitement de l’eau.
Nous avons repensé notre organisation commerciale pour davantage de proximité avec nos clients professionnels. Sur le terrain, 20 commerciaux, encadrés par 3 directeurs régionaux, sont à la disposition de nos clients qui peuvent également se rendre dans l’une de nos 6 agences. 5 d’entre elles sont adossées à des sites industriels et logistiques. La 6e, celle d’Anglet (64), a été ouverte pour nous permettre de nous rapprocher de nos clients dans l’extrême sud-ouest et connaît un très bon démarrage.
Nous renforçons le support, notamment avec notre Service Technique Client, chargé d’apporter davantage de services en avant et après-vente pour accompagner nos clients. Ceux-ci peuvent aussi nous contacter via notre centre d’accueil téléphonique.
Le service ADV, pour sa part, s’occupe de l’enregistrement et du suivi des commandes, une mission particulièrement importante en ce qui concerne le sur-mesure. Il doit vérifier les prises de cotes, les dimensions… avant la mise en production des produits.
Côté outils, nous déployons un CRM qui nous permet de disposer de l’historique des échanges de chaque client avec nos collaborateurs, y compris sur le terrain, couplé avec nos lignes téléphoniques. Cela nous permet de lui dédier un interlocuteur unique pour préserver la relation et la proximité. D’autant que nous avons une grande stabilité dans nos équipes… C’est l’avantage de faire partie d’un groupe familial.
Dans le cadre du CF Trust, pour fluidifier la relation entre le professionnel et son client, nous offrons le remplacement rapide d’un produit sous garantie, le temps de sa réparation, par un produit reconditionné, identique ou équivalent.
Enfin, avec Livepool, l’environnement digital de CF group, le professionnel dispose de plusieurs applications, dont Livepool Pro pour la gestion de son parc de piscines avec organisation de ses tournées, Livepool App pour le pilotage à distance des équipements connectés, et Livepool Care, un service d’analyse de l’eau intégrant un vrai calculateur basé sur l’indice de Langelier et la balance de Taylor, qui fournit des conseils et recommandations (produits, temps de filtration, etc.).
La formation est aussi au cœur de CF group. Nous organisons des matinales avec une animation et des sessions de formations pratiques dans nos agences sur des thèmes spécifiques, ainsi qu’un tour de France avec le CF Tour, principalement sur le sujet du traitement de l’eau. Nous proposons aussi des visites de notre usine de Brécé à nos clients. Nous intervenons également autant que possible dans les centres de formation.Cette organisation simplifiée, plus horizontale, vise à améliorer nos performances opérationnelles pour renforcer la proximité avec le client tout en restant fidèle à notre objectif de protection et de valorisation des ressources en énergie et en eau. »
Lors du salon Piscine Global vous avez présenté la vision de CF group concernant l’avenir de la piscine. Pouvez-vous nous en reparler ?
« Dans le contexte actuel, il est reproché à la piscine de consommer trop d’eau, d’énergie et de chimie. Le secteur court le risque d’être frappé d’interdictions de construire ou de remplir les piscines. Nous n’avons d’autre choix que d’avancer sur le sujet de l’écoresponsabilité pour contrer les arguments des activistes et des politiques, et éviter que le marché soit freiné par la réglementation. Surtout qu’avec le dérèglement climatique, nous connaissons des alternances de phases extrêmes de sécheresse et d’inondations. Il est donc essentiel que la filière participe à trouver des solutions pour préserver la ressource en eau.
L’invasion de l’Ukraine a également bouleversé notre relation à l’énergie, même si nous avons été plutôt préservés en France. Quand on fait tourner une piscine, on alourdit la facture d’électricité des Français. Nous avons donc la responsabilité de proposer des équipements plus autonomes et économes en énergie, voire des solutions alternatives pour des piscines à énergie positive.
Quant à la chimie, elle est pointée du doigt, et notamment le chlore alors qu’en réalité ce n’est pas tant la substance qui pose question (elle est elle-même utilisée pour potabiliser l’eau du robinet), mais les additifs nocifs comme l’acide borique, ou les sous-produits de la désinfection qui se forment lorsque le chlore réagit avec la matière organique présente.
Il est important de se préparer et d’avoir des relais de croissance
Aujourd’hui, il est important de se préparer et d’avoir des relais de croissance si le pool bashing se renforçait ou que les réglementations, notamment d’urbanisme, se durcissaient davantage.
Chez CF group, la question est : comment être proactifs pour améliorer la durabilité et réduire l’empreinte carbone et les consommations de nos produits ?
Nous avons décidé d’organiser notre service R&D autour de 3 pôles : Saint-Rémy-de-Provence pour les innovations concernant la piscine du futur, Rennes pour les couvertures et celui de Stuttgart pour la chimie. Et nous travaillons à proposer aux professionnels des produits classés selon 3 niveaux, pour une piscine :
- Économe en ressources avec des équipements qui permettent d’optimiser et réduire les besoins en énergie, électricité et eau ;
- Autosuffisante en ressources, capable donc d’être autonome en eau et en énergie grâce à des équipements de stockage d’eau et aux énergies alternatives ;
- Productrice de ressources, la piscine devenant un réservoir en eau et en énergie.
Parler du coût du manque d’eau plutôt que du coût de l’eau
Contrairement aux énergies alternatives, il n’est pas entendable de calculer un retour sur investissement sur l’eau quand on se base sur son prix au m3. En revanche, nous pouvons parler du coût du manque d’eau : le particulier doit comprendre qu’une piscine dont il ne peut pas se servir pour se baigner est une piscine qui va lui coûter cher.
Cela passe par la nécessité d’équiper le bassin d’une couverture pour limiter l’évaporation, réduire le besoin en produits chimiques et en énergie pour le chauffage. Nous lançons d’ailleurs cette année le Pushlock Automatique, un système d’accrochage automatique des volets novateur qui va simplifier la fermeture et la sécurisation du bassin. Disponible en version construction, nous proposerons prochainement une version sans fil pour la rénovation.
En ce qui concerne le traitement, nous travaillons sur des solutions qui améliorent l’efficacité de filtration et réduisent le besoin en traitement comme le Purity. Développée en partenariat avec Saint Gobain, cette technologie de microfiltration à membrane céramique est aujourd’hui utilisée dans le secteur de la potabilisation de l’eau. Elle permet d’obtenir une qualité d’eau exceptionnelle, ultra-cristalline, débarrassée à 99,9% des germes et micro-organismes, comme la légionelle ou le cryptosporidium.
Le Purity supprime la biomasse et une partie des micro-organismes dangereux (bactéries, champignons, etc.), jusqu’à obtenir une eau de qualité bleue (potable). À terme, l’idée est de récupérer les eaux de pluie, que nous pouvons d’ailleurs stocker dans une citerne souple (CF Tank), pour les réutiliser pour l’arrosage, les WC ou certains usages domestiques de la maison. Pour le traitement automatique de l’eau, nous avons lancé un électrolyseur à membrane off-line, le Membrano EC, qui permet de produire du chlore in situ à pH neutre, réduisant ainsi la manipulation du chlore et le besoin de transport.
Ces solutions permettent d’optimiser le besoin en chimie et de traiter au minimum les piscines.


Faire de la piscine un coffre-fort à eau et énergie
Sur l’énergie, nous travaillons à utiliser les calories de la piscine pour optimiser le chauffage de la maison. En chauffant l’eau de la piscine avec des lames polycarbonates, on dispose d’un réservoir à calories que va exploiter notre pompe à chaleur hybride (aérothermique ou géothermique), la Power Bank. Et lorsque qu’elle est utilisée pour refroidir la maison, elle récupère les calories de l’air chaud produit pour les stocker dans la piscine. On utilise ainsi la piscine pour améliorer le bilan énergétique de la maison.
Nous proposons aussi Helios, un local technique avec filtration, panneaux photovoltaïques et réserve d’eau de 1 à 2 m3 pour répondre aux principaux besoins d’une piscine autonome.
L’objectif est de proposer un changement de paradigme en faisant de la piscine un coffre-fort à eau et énergie qui serait utilisé 12 mois sur 12 pour la maison et 3 mois en été pour le plaisir ; de se servir du local technique comme d’une mini station individuelle de production et de permettre au consommateur d’utiliser ces ressources toute l’année, y compris pendant les pics de sécheresse. Avec 10 millions de coffres-forts à eau et à énergie à rénover en Europe, dont 3 millions en France, le potentiel devant nous est énorme. Et cela permettrait de démontrer que notre secteur se veut plus vertueux, plus raisonné, avec des solutions responsables.