Étape essentielle dans la vie de la piscine, l’hivernage peut également offrir des opportunités de business dans une période souvent creuse pour les entreprises de la piscine. Tour d’horizon du sujet avec trois experts, Xavier Darok, chef de produit (Poolstar), Karine Bordes, directrice adjointe de la division Piscine (Gaches chimie) et Eric Bouteloup, expert du traitement de l’eau (Eric Bouteloup Consulting)
Sommaire
- L’hivernage, une étape clé dans la vie de la piscine
- Les étapes et actions indispensables pour un hivernage réussi
- Pourquoi est-il important de connaître la dureté de l’eau ?
- En quoi un bon hivernage facilite-t-il la remise en service et la productivité des équipes ?
- Au-delà de l’intervention technique, quelles sont les opportunités de business de la visite d’hivernage ?
- Pourquoi les professionnels ont-ils du mal à vendre l’hivernage et quels arguments pourraient les convaincre de son importance ?
L’hivernage, une étape clé dans la vie de la piscine
Souvent oubliés dans le rush de fin de saison, les fondamentaux de l’hivernage sont pourtant essentiels, expliquent nos experts. À cette période, les professionnels restent concentrés sur les interventions immédiates et ne mesurent pas toujours l’importance d’une mise en hivernage rigoureuse des piscines de leurs clients.
Un triple enjeu :
- Physico-chimique, pour préserver la qualité de l’eau et protéger les équipements (liner, canalisations, sondes, etc.) des variations de température.
- Technique, car il permet de diagnostiquer les anomalies (pompe, filtre, cellule d’électrolyse, sondes de mesure) et d’anticiper les opérations de maintenance et de réparation nécessaires avant la réouverture du bassin.
- Commerciale, en offrant au professionnel l’occasion de fidéliser son client, le conseiller, lui proposer des produits et services et lui garantir un redémarrage serein de la piscine au début de la saison suivante tout en renforçant leur relation de confiance.
Les conséquences d’un hivernage négligé
L’hivernage est souvent négligé par les particuliers et insuffisamment mis en avant par les professionnels, voire considéré comme une contrainte, alors qu’il est essentiel pour la bonne réouverture du bassin.
Les principaux problèmes rencontrés au moment de la réouverture du bassin sont liés à :
- Des masses filtrantes encrassées, non nettoyées alors qu’elles accumulent graisses et biofilm, réduisant l’efficacité du filtre et nécessitant davantage de produits au redémarrage.
- Une eau verte et des incrustations de calcaire (sur le revêtement, dans les canalisations et le filtre), conséquences d’une stagnation prolongée et d’un traitement insuffisant.
- Un revêtement endommagé, souvent à cause de galets de chlore laissés dans les skimmers, provoquant une surconcentration locale en chlore, un pH local très bas entrainant également la détérioration du panier ou des canalisations.
Des conséquences loin d’être anodines pour le professionnel qui va devoir passer davantage de temps en intervention, et peut-être même revenir plusieurs fois jusqu’à récupération complète de l’eau, avec une incidence sur l’image de compétence du technicien et celle de l’entreprise.
Les étapes et actions indispensables pour un hivernage réussi
La première étape d’un bon hivernage consiste en une inspection complète de l’installation : bassin, revêtements, équipements et pièces à sceller, etc. pour vérifier tous les points de défaillance potentiels avant de traiter l’eau.
1. Le contrôle du local technique avant l’hiver :
Nos experts préconisent l’inspection de tous les équipements susceptibles de ne pas supporter le froid et effectuer les nettoyages ou actions correctives nécessaires.
- Le nettoyage du filtre est une étape clé :
– Pour un filtre à sable, verser directement un produit nettoyant dans la cuve et laisser agir pendant le reste de l’inspection.
– Pour un filtre à cartouche, la ou les cartouches doivent être retirées et mises à tremper.
En cas d’eau très dure, laisser le produit détartrant agir toute une nuit pour plus d’efficacité.
Si le filtre est régulièrement entretenu, le temps d’action du produit sera plus rapide, avec un gain de temps et d’efficacité pour le professionnel et des économies en eau, énergie et produit pour le client. C’est un scénario gagnant-gagnant. - Les appareils de traitement : une attention particulière doit être portée aux appareils de traitement, notamment les sondes liquides non gélifiées qui, en cas de risque de gel, doivent être démontées, mises dans une solutions de stockage et conservées à l’abri.
- Les produits chimiques : c’est également le bon moment pour vérifier la qualité du stockage des produits chimiques, lesquels sont souvent entreposés de manière inappropriée dans les locaux techniques ; par exemple, seaux contenant des produits qui ne correspondant pas à l’étiquetage ou contenant des produits incompatibles (chlore stabilisé et non-stabilisé), seaux mal fermés susceptibles de dégazer pendant l’hiver, etc.
2. Vérifier les équipements du bassin
Une fois le local technique préparé pour l’hivernage, il faut s’occuper du bassin.
Cette étape doit comprendre une inspection des pièces à sceller. Dans le cas des skimmers, veiller à retirer les galets de chlore afin de les placer dans un doseur flottant. Si des microfissures sont identifiées, notamment sur les skimmers, elles doivent être réparées avant l’hiver pour éviter qu’elles ne s’aggravent sous l’effet du gel.
L’inspection doit également inclure les accessoires, notamment les robots de nettoyage. C’est d’ailleurs l’occasion de proposer un service d’hivernage du robot (récupération, vérification des pièces, stockage et remise en service), vecteur de différenciation pour le professionnel.
Ce service devient d’autant plus pertinent avec le développement du parc de robots sans fil, qui nécessitent un hivernage spécifique pour préserver la longévité de leur batterie.
3. Traiter l’eau de la piscine
Après une analyse complète des paramètres de l’eau, il est conseillé de relever le pH et le TAC. Ces corrections aident à anticiper les effets des pluies acides de l’hiver qui vont abaisser le TAC.
L’objectif de l’hivernage est aussi de limiter le calcaire et la prolifération d’algues durant l’hiver, la désinfection n’étant pas prioritaire puisque l’eau froide freine le développement des bactéries. Un bon produit d’hivernage doit donc contenir un algicide et un séquestrant pour calcaire et métaux, afin d’éviter les dépôts, la corrosion des parties métalliques des équipements du bassin (amplifiée par l’eau froide) et prévenir le développement des algues.
Il est conseillé de contrôler l’eau à mi-hiver (janvier-février) et de renouveler le traitement si nécessaire pour maintenir son effet préventif.Important : au moment de choisir le produit d’hivernage, il faut tenir compte de la qualité de l’eau de remplissage, une information souvent négligée par les professionnels, car certaines matières actives qui les composent – selon la formulation du fabricant – perdent en efficacité selon la dureté de l’eau.
4. Préparer le bassin
Enfin, suivre les étapes classiques d’hivernage : installer des flotteurs pour absorber la pression du gel et placer des gizmos dans les skimmers en cas d’hivernage passif, puis verser le produit d’hivernage avant de mettre en place la bâche de protection (bâche d’hivernage, volet, etc.)
Cette approche globale permet de détecter les points de défaillance des équipements du bassin et valorise la plus-value apportée par le professionnel, capable d’assurer un niveau de suivi technique personnalisé que la grande distribution ou les sites de vente en ligne ne peuvent offrir.
Pourquoi est-il important de connaître la dureté de l’eau ?
La mesure de la dureté de l’eau est une étape cruciale pour évaluer la quantité de calcaire présente dans le bassin et anticiper les risques d’entartrage.
À titre d’exemple, une eau à 100 mg/L de dureté contient l’équivalent de 40 kg de calcaire dans un bassin de 40 m³ ; à 200 mg/L, cela monte à 80 kg, et à 300 mg/L, à 120 kg – soit un volume équivalent jusqu’à cinq sacs de sable de 25 kg. Cette comparaison aide les clients à visualiser l’ampleur de ce problème potentiel de dépôt dans le filtre et les canalisations et va permettre au professionnel de les sensibiliser à l’importance de l’équilibrage et du traitement.
Cette donnée est souvent méconnue des professionnels et des particuliers, constatent nos experts. Affichée sur les factures d’eau des clients, elle devrait être systématiquement prise en compte pour les analyses d’eau réalisées par les professionnels. D’autant qu’ils disposent aujourd’hui d’outils adaptés (photomètres, bandelettes) pour réaliser cette mesure.
Tenir compte de ce paramètre dans ses pratiques et l’expliquer au client va renforcer l’image de professionnalisme de l’entreprise et faciliter la remise en service de la piscine au printemps en ayant anticipé le problème.
En quoi un bon hivernage facilite-t-il la remise en service et la productivité des équipes ?
Un bon hivernage, incluant notamment l’utilisation d’un séquestrant calcaire, limite les dépôts et la corrosion, pour une remise en service rapide, efficace et moins pénible pour le technicien ou le client.
À l’inverse, un bassin mal préparé va obliger le technicien à consacrer davantage de temps à son nettoyage et son rééquilibrage, avec comme conséquences des retards dans son planning d’ouvertures et le mécontentement des clients.
Les professionnels reçoivent généralement davantage de demandes pour les ouvertures que pour les fermetures aujourd’hui. Or, s’ils héritent d’un mauvais hivernage, cela va nuire directement à leur productivité : le gain de temps au printemps se prépare dès l’automne.
Selon les experts, il serait même préférable de consacrer plus de temps à la mise en hivernage qu’à la réouverture du bassin. L’idéal est d’apporter un soin équivalent à ces deux étapes du cycle de vie annuel de la piscine. D’autant que bien souvent, les techniciens ont des temps d’intervention trop court pour les ouvertures, ce qui devient donc vite problématique lorsqu’ils sont confrontés aux conséquences d’un hivernage mal fait.
Au-delà de l’intervention technique, quelles sont les opportunités de business de la visite d’hivernage ?
La visite d’hivernage est le moment idéal pour réaliser un bilan stratégique complet de la piscine, d’identifier les pannes imprévues pendant la saison chaude et d’anticiper les besoins de maintenance ou de rénovation. Elle permet de tester les équipements (sondes, cellules d’électrolyse) à l’aide de simulateurs et de planifier leur remplacement éventuel.
C’est aussi le moment ou le sens commercial du professionnel prend toute son importance : un client en confiance est plus réceptif aux conseils et aux propositions du professionnel. En profitant de cet échange, le piscinier peut suggérer des équipements complémentaires pour faciliter l’entretien de la piscine (couverture, abri, coffret intelligent, etc.) ou de bien-être complémentaires, permettant au client de prolonger l’usage de son espace détente en hiver.
Cette démarche préventive est l’occasion de générer du chiffre d’affaires hors saison et de lisser la saisonnalité de l’activité, tout en renforçant la relation de conseil et d’expertise du professionnel.
Pendant la saison creuse, les produits à mettre en avant en magasin concernent l’extérieur de la maison et qui permettent de profiter de l’espace piscine même par temps froid : spas, saunas, braseros, abris de piscine qui peuvent se transformer en poolhouse avec cuisine extérieure. De plus en plus de magasins vendent aujourd’hui des articles qu’ils ne vendaient pas auparavant, comme des cheminées, en hiver, afin de diversifier leur offre.Enfin, l’installation d’un abri permet de pratiquer un hivernage actif, ce qui encourage une fréquentation plus régulière du magasin. Et cela ouvre la voie à la vente de solutions permettant de réaliser des économies d’énergie, notamment des panneaux solaires, qui produisent de l’électricité toute l’année et permettent à la piscine de rester un véritable lieu de vie, même au cœur de l’hiver.
Pourquoi les professionnels ont-ils du mal à vendre l’hivernage et quels arguments pourraient les convaincre de son importance ?
Au regard des chiffres de vente de produits d’hivernage, faibles par rapport aux besoins réels, nos experts en déduisent un manque de communication entre les professionnels et les particuliers dès la fin de l’été. Beaucoup de pisciniers commandent ces produits trop tard et ne valorisent pas suffisamment l’importance de cette étape, perdant ainsi une occasion de contact avec leurs clients et des opportunités de vente avant la saison suivante.
L’hivernage joue un rôle déterminant dans la qualité de la saison à venir. Comme le résume Xavier Darok, « l’hivernage est à la piscine ce que la nuit est à l’être humain » : une mauvaise nuit (mauvais hivernage) compromet la journée suivante (la saison). Un bon hivernage permet non seulement de prévenir les dysfonctionnements, mais aussi de planifier les travaux en période creuse et d’assurer une traçabilité des interventions, renforçant ainsi la relation de confiance. Si, par exemple, un problème intervient en juin, le professionnel pourra rappeler à son client le conseil donné en octobre.
Les professionnels doivent donc être davantage proactifs : identifier les besoins de rénovation, relancer les clients, et rappeler que, comme une voiture, une piscine nécessite une révision annuelle. Mettre en place une campagne de contact dès la fin de l’été et organiser des tournées de mise en hivernage témoignent de leur professionnalisme. L’intégration des clients dans une base de données avec rappels automatiques est devenue facile aujourd’hui et va faciliter cette démarche.
Surtout si l’on considère qu’un bon hivernage et une bonne remise en route permettent de résoudre au moins 80 % des problèmes rencontrés en saison !











