Dans un contexte de recul du marché de la construction de piscines, comment le réseau Carré Bleu parvient-il à s’adapter ? Entre bilan de la période, stratégie de communication et axes de développement, Patrice Rubio, directeur général de Carré Bleu International, partage avec nous les enjeux actuels de son réseau et sa vision de l’évolution du marché.
EP : quel bilan pour le réseau Carré Bleu à mi-saison ?
Patrice Rubio : « Le réseau a su profiter de l’appel d’air post-covid pour générer du chiffre d’affaires, comme l’ensemble des acteurs du marché, avec une progression de 20 % sur 2020-2021, suivie d’une nouvelle hausse en 2022. En revanche, l’activité a connu un ralentissement en 2023, plus marqué en 2024. 2025 est encore une année tendue, mais quand on connaît bien ce secteur, on sait qu’il évolue de manière cyclique. Nous avons déjà traversé des périodes compliquées, celle-ci en est une de plus. Nous la surmonterons comme nous avons surmonté les autres…
L’an dernier, alors que le marché de la piscine reculait de 15 à 20 %, Carré Bleu a enregistré une baisse de 4 %, donc plutôt contenue. Ce moindre impact s’explique par notre positionnement haut de gamme, qui nous a permis de maintenir nos ventes. Notre présence sur le marché depuis 53 ans est aussi un élément déterminant et rassurant, surtout en temps de crise.
En 2025, la tendance nationale devrait s’établir autour de -15 % tandis que le réseau devrait terminer l’année à -5 ou -6 %. Finalement, ce n’est pas si dramatique.Notre secteur, comme d’autres, doit faire face à un contexte général morose et instable, au niveau économique, géopolitique, etc. Au-delà de la hausse du coût de l’énergie, notre métier reste très dépendant de la météo. On le constate encore cette année (ndlr : interview réalisée le 4 juillet 2025) : dès que le soleil est au rendez-vous, les magasins se remplissent et les demandes affluent.
Dès que le soleil est au rendez-vous, les magasins se remplissent et les demandes affluent
Les années 2024 et 2025 ont été plus difficiles, notamment à cause de la météo particulièrement défavorable en 2024. Cela s’est traduit par un fléchissement des rendez-vous et par voie de conséquence des commandes. Ce printemps a été encore particulièrement calme, même si, progressivement, nous sommes parvenus à remplir nos carnets de commandes et à maintenir notre activité, en reprenant notre « bâton de pèlerin » et en étant proactifs. La période post-Covid a été une aubaine extraordinaire, mais le ralentissement du marché était prévisible. Nous avions anticipé ce retour à la réalité. Dès 2022, lors d’une réunion régionale du réseau, nous évoquions déjà ce qui allait se produire en 2024-2025, la visibilité sur le plan de charge commençait déjà à se réduire.
Certains diront que 2024 a été « l’année de la rénovation ». En réalité, la demande a toujours été là, mais les projets de construction ayant été privilégiés ces dernières années, la rénovation a été reléguée au second plan. Cette année, nous avons accordé davantage d’attention et de place à la rénovation – des plus simples aux transformations les plus complexes – dans nos carnets de commandes. Résultat : une forte progression de la rénovation et une baisse significative de la construction.Aujourd’hui, avec un temps ensoleillé et des températures élevées, l’activité repart : nous regagnons quelques points de chiffre d’affaires par rapport aux prévisions initiales, où nous anticipions -10 %. À ce moment-là, plusieurs de nos concessionnaires n’avaient que très peu de projets en portefeuille et cherchaient activement des solutions pour remplir leurs carnets de commandes. »
Comment le réseau réussit-il à se distinguer dans ce contexte ?
« Cela tient à notre stratégie de communication et nos valeurs. Une stratégie de communication claire : depuis 53 ans notre volonté a toujours été d’avoir un positionnement clair auprès de nos clients, et nous n’avons pas changé de cap. Nous privilégions un ton sobre, élégant et design, qui invite au rêve, au bien-être, à l’évasion, qui véhicule l’idée que la piscine est non seulement la cinquième pièce de la maison mais qu’elle s’inscrit dans une histoire : celle de chaque client. Nos campagnes se veulent différenciantes, à l’image de nos piscines ! Le partenariat signé avec Antoine Dupont, le capitaine du XV de France de rugby, trois mois avant la Coupe du monde, évènement qui a suscité beaucoup d’engouement, puis les Jeux Olympiques de Paris 2024 avec la médaille d’or qu’il a remportée avec son équipe, a représenté une formidable opportunité pour Carré Bleu, et nous a offert une très belle visibilité !
Nos clients ne sont jamais de simples numéros
Des fondamentaux et des valeurs : la raison pour laquelle un client choisit Carré Bleu relève avant tout d’une philosophie et de valeurs partagées. Le haut de gamme, pour nous, ne se résume pas uniquement à des aspects techniques, qu’il s’agisse du matériel ou de la structure en maçonnerie traditionnelle de nos bassins. Bien que nous soyons extrêmement attentifs et exigeants sur la qualité des équipements que nous proposons, cela n’est pas suffisant. Notre différence se trouve dans l’approche du client et la relation que nous entretenons avec lui tout au long de la vie de la piscine : dès le premier contact, et à chacune des phases d’avant-vente, vente et après-vente. Cela se traduit par un accueil personnalisé, soigné, par le temps consacré à découvrir chaque projet, par une proposition commerciale adaptée, sur-mesure, remise en mains propres, expliquée et commentée avec du conseil, un chiffrage précis et argumenté, des moments d’échanges à chaque étape, une organisation rigoureuse et un suivi de chantier personnalisé avec beaucoup d’écoute. Nous réalisons une véritable réception de piscine, avec une pré-réception technique, et proposons systématiquement un contrat d’entretien adapté. Nos clients ne sont jamais de simples numéros. Lorsqu’un client accorde sa confiance à Carré Bleu, il fait le choix d’un accompagnement de qualité et d’un service d’excellence. Il sait qu’il sera suivi, écouté, conseillé, et que nous serons encore présents demain. C’est ce qu’attendent les clients recherchant une piscine haut de gamme mais aussi un service haut de gamme. Le respect de la promesse de l’Enseigne ! Notre force réside aussi dans l’innovation et la maîtrise de nouveaux concepts comme la piscine PURE, les parois de verre ou l’inox pour réaliser des projets d’exception souvent atypiques et audacieux.
Nous privilégions une croissance maîtrisée et progressive
Aujourd’hui, un réseau comme Carré Bleu a le vent en poupe. Malgré un marché complexe et un environnement globalement incertain – qu’il soit macroéconomique ou politique – nous savons que cette situation n’est qu’une phase, qui devrait durer encore au moins un an.
Notre réseau est attractif. Du côté des fournisseurs d’une part : nous travaillons avec des fournisseurs qui sont de véritables partenaires et nous n’avons pas de velléité à multiplier à tout va les référencements, bien que nous soyons très régulièrement approchés. Cela démontre l’intérêt que nous suscitons.
Du côté des professionnels qui souhaitent rejoindre le réseau d’autre part. Nous recevons de plus en plus de candidatures mais nous faisons preuve d’une attention particulière dans l’acceptation et l’intégration de nouveaux concessionnaires. Notre politique est volontairement restrictive : notre objectif n’est pas de “planter des drapeaux partout”, mais de privilégier une croissance maîtrisée et progressive avec des professionnels qui répondent aux critères d’exigences de Carré Bleu. Nous prévoyons cependant de signer 3 à 4 nouveaux concessionnaires prochainement. Notre stratégie de développement repose sur l’expertise et l’expérience, sans que ce soit nécessairement dans la piscine. Nous accueillons des paysagistes –16 actuellement dans le réseau – avec une double compétence. En revanche, il est indispensable d’avoir une solide expérience en gestion d’entreprise, et nous écartons les profils opportunistes. »
Comment accompagnez-vous les concessionnaires dans leur montée en expertise ?
« Nous proposons plusieurs types de formations au sein du réseau.
1. Des formations techniques au travers de deux canaux principaux :
- Des formations organisées par nos fournisseurs, volontairement peu nombreux pour favoriser cette logique de partenariat.
- Des formations internes animées par Laurent Moriano, notre Responsable Technique et formateur itinérant. Il est à la disposition du réseau et se déplace chez les concessionnaires pour former leurs équipes et leur permettre d’atteindre un haut niveau de maîtrise technique.
2. Des formations commerciales dédiées à la force de vente – commerciaux, personnel d’accueil en magasin… – avec des modules adaptés à chaque type de poste (relation client, accueil en boutique, etc.), animées par un prestataire externe.
3. Des formations réservées aux dirigeants : l’Académie Carré Bleu. Un cycle de formation, conçu spécialement pour les concessionnaires, à réaliser durant les trois premières années d’intégration. Cinq intervenants externes, animent une douzaine de journées de formation réparties sur trois mois. Ce programme aide les chefs d’entreprise à progresser en gestion, organisation et management. Cette formation se déroule en petits groupes de 4 à 5 concessionnaires pour favoriser la réflexion et les échanges. Les concessionnaires qui y participent ne voient plus leur entreprise de la même façon.
4. Enfin, pour tout ce qui concerne les aspects juridiques, normatifs et réglementaires, nous nous appuyons sur les formations proposées par la FPP, avec laquelle nous entretenons d’excellentes relations.
La formation est une obligation inscrite dans le contrat de concession
À noter que la formation est une obligation inscrite dans le contrat de concession. Nous sommes convaincus que plus nos collaborateurs sont formés, plus ils sont compétents et performants, donc plus efficaces, tant sur les chantiers et l’ensemble des aspects techniques que dans la relation commerciale. C’est une dynamique gagnant-gagnant : bien faire, c’est éviter les allers-retours inutiles et ne pas perdre des points de marge. Et la valorisation de leurs compétences est motivante pour les équipes. C’est un véritable cercle vertueux. Nous avons peu de turnover. Lorsqu’un collaborateur quitte l’un de nos concessionnaires, c’est le plus souvent à cause d’un changement de vie ou de région, ou pour se mettre à son compte, rarement d’un départ chez un concurrent.Enfin, pour satisfaire les besoins en recrutement de nos entreprises et en formation des techniciens, nous avons participé à la création d’une filière piscine au sein du CFA-BTP de Pau. Chaque année, les concessionnaires envoient de jeunes apprentis ou techniciens à Pau pour parfaire leur formation. »
Comment le réseau aborde-t-il les enjeux d’aujourd’hui ?
« Dans un premier temps nous avons subi de plein fouet, comme tous, les décisions prises concernant l’eau, le prix de l’énergie et les règles d’urbanisme. Heureusement, la FPP a rempli pleinement son rôle en montant au créneau pour éviter certaines mesures parfois aberrantes. Cette année, après des mois avec des nappes phréatiques revenues généralement à un niveau satisfaisant, il aura suffi de seulement dix jours de canicule pour voir le pool bashing médiatique refaire surface. Nous observons toutefois une évolution depuis le premier pool bashing, particulièrement virulent. Les messages relayés par la FPP commencent à porter leurs fruits : par exemple, lors d’un débat sur l’essor des mini-piscines, les chroniqueurs qui sont intervenus étaient mieux informés, et leur position sur le sujet avait évolué. C’est rassurant.
Les messages relayés par la FPP commencent à porter leurs fruits
Notre offre s’adapte à la sensibilité des clients et aux contraintes d’urbanisme. Nous avons depuis longtemps des solutions techniques pour répondre à toutes ces questions. Nous constatons une forte progression des filtres à éléments et des pompes à vitesse variable, ainsi que des coffrets électriques intelligents qui interagissent avec la voie d’eau. Nous construisons également des bassins en CF block, plus isolants et à impact carbone maîtrisé. Couvrir la piscine n’est pas une nouveauté, nous avons toujours installé des volets. Nous avons aussi été parmi les premiers à croire en l’automatisation pour la gestion de parc. Nous avons tourné la page des coffrets électriques à picots : le coffret connecté Carré Bleu permet désormais de gérer la piscine à distance. Toutefois, cela ne s’est pas réellement démocratisé et ne répond pas encore à une demande systématique des clients. »
Et comment gérez-vous le recyclage des déchets au sein du réseau ?
« Aujourd’hui, la plupart des concessions Carré Bleu disposent sur leur parc de 4 ou 5 bennes différentes pour trier en amont les déchets et gravats. Nous travaillons à structurer davantage la relation avec des éco-organismes, avec un accord prévoyant la mise à disposition de bennes dans les entreprises ou directement sur les chantiers. Cette organisation sera déployée très prochainement et proposée à l’ensemble des concessionnaires. »
La démarche de certification concerne autant la relation client que les procédures internes
La certification est-elle un axe de travail du réseau ?
« Nous avons commencé à travailler sur la certification, un chantier qui me tient particulièrement à cœur. Je suis convaincu que, au-delà de l’aspect communication « Carré Bleu certifié », cette démarche permettra d’optimiser nos process internes. D’autant que nous appliquons déjà 90 % de ce qui est demandé. Cette démarche concerne autant la relation client que les procédures internes. Elle vise à réécrire et structurer les processus, pour amener davantage de rigueur et d’organisation au niveau des équipes. Nous ne l’avons pas encore déployée car il nous faut prioriser nos efforts.
Dans un contexte où remplir les carnets de commandes est plus difficile, on se focusse à 100 % sur la prise d’affaires. Les concessionnaires adhèrent totalement au projet, bien conscients que la certification est indispensable. Nous avancerons rapidement sur le sujet. Je leur ai déjà expliqué son contenu et la démarche. Je connais bien le sujet pour avoir participé, dans une de mes précédentes expériences professionnelles, à la mise en place d’une certification ISO 9002. »
Comment voyez-vous le marché évoluer ?
« Selon toute vraisemblance, l’année 2026 devrait ressembler à 2025 : une année compliquée et tendue. Tous les indicateurs de la profession confirment cette tendance. Il faudra donc rester concentrés, vigilants, travailler chaque dossier et être particulièrement aguerris sur le commerce.
Au-delà du contexte économique, géopolitique et de la hausse du coût de la vie, l’activité reste météo-dépendante : il faut espérer que cette période de beau temps se prolonge et aura un effet bénéfique sur la demande. Actuellement, le commerce reprend des couleurs, les contacts reviennent de manière significative et c’est rassurant. Si certains d’entre eux sont directement liés à « l’effet canicule » et ne se transformeront pas en commande, il faut noter le retour de prospects rencontrés il y a un ou deux ans, dont le projet était resté en stand-by -souvent pour cause de mauvaise météo-, avec un fort potentiel de transformation. C’est très encourageant, et cela démontre que le travail commercial avait été bien fait.
Même si le taux de conversion pourrait légèrement baisser, cela devrait permettre de remplir le carnet de commandes pour l’hiver et le printemps. Un levier déterminant pour une saison 2026 raisonnable.
À l’inverse, un été aussi mauvais que l’an dernier aurait un double coût : des chantiers ralentis par la météo – donc plus longs et plus onéreux – et une baisse des contacts commerciaux pour l’année suivante. Les concessionnaires en sont conscients, ils savent que, même si les chantiers restent essentiels, il est indispensable de maintenir l’effort commercial et de rester proches des clients, malgré les difficultés et leur niveau d’exigence.
Le regain de demande, associé à la réactivité des équipes, devrait permettre d’améliorer notre visibilité sur la fin de la saison 2025 et sur 2026. Nous avons déjà revu notre prévision de baisse pour cette année, passant de -10 % à -5 %, et si la reprise se confirme, le recul attendu sur la saison 2025 pourrait finalement se limiter à -3 %. L’objectif pour 2026 est de maintenir un chiffre d’affaires stable à périmètre constant. »