On l’oublie trop souvent mais, en cas de litige entre un particulier et son professionnel à la suite d’une intervention, que ce soit pour de la construction, de la rénovation, de la maintenance ou de l’entretien, l’expert et le juge (si procédure), dans le cadre de la recherche de responsabilité, se réfèreront en premier lieu aux documents « contractuels » fournis par le piscinier et signés par son client. Sans eux, c’est « parole contre parole » entre le professionnel, le « sachant » et le client particulier, un non-professionnel…
Tour d’horizon des documents à fournir à vos clients avec trois experts piscine, membres de la CNEPS, Luc Giovanelli, Mathias Werner et Christel Ageorges.
Documents pour les chantiers de construction
1. Le devis… évidemment
Document de base de la relation contractuelle destiné à se transformer en bon de commande, il nécessite de prendre quelques précautions lors de sa rédaction.
En premier lieu, il doit être suffisamment détaillé par grand poste, mais sans indiquer le nombre précis de coudes, de vannes ou de longueurs de tuyau qui seront utilisés. Le technicien peut en effet considérer, lorsqu’il intervient dans le local technique, que pour limiter les pertes de charge il vaut mieux installer les réseaux de telle ou telle autre façon plutôt que de celle initialement envisagée. Au moment d’établir la facture, si l’entreprise oublie de repréciser le nombre réel de pièces ou de mètres linéaires de tuyaux utilisés, cela peut lui porter préjudice, le maître d’ouvrage pouvant se retourner contre elle en justifiant d’une perte de confiance causée par le manque d’une pièce… alors que « ce qui est important c’est que la piscine soit bien raccordée et pas la longueur des tuyaux ».
Il est également essentiel d’y faire figurer le type de pompe, de filtre, d’électrolyseur, de PAC… qui sera installé sans citer précisément le modèle et la référence mais plutôt le type de produit et ses caractéristiques techniques détaillées en termes de volume, puissance, hauteur d’eau, consommation, etc., pour ne pas risquer le défaut de conseil. En effet, si votre fournisseur est en rupture sur une référence, vous serez en mesure de lui proposer un modèle équivalent sauf si le client veut exactement le même.
Il est également obligatoire de joindre au devis celui de votre sous-traitant. Lorsque l’entreprise prend le marché global, elle peut être amenée à faire appel à une entreprise, par exemple, pour la maçonnerie ou la pose de membrane armée. Or, il est obligatoire d’en informer le maître d’ouvrage. Et l’entreprise doit être assurée pour les travaux sous-traités, car même si elle ne les a pas réalisés, elle en demeure légalement responsable.
2. Des conditions générales de vente (CGV) adaptées à votre activité
Trop souvent, malheureusement, les experts constatent que les Conditions Générales de Vente ne sont pas signées par les clients, qu’elles ne couvrent pas toutes les activités de l’entreprise, voire qu’elles n’ont pas été jointes au devis parce que l’entreprise n’a pas de CGV. Or, elles permettent de définir précisément le cadre du contrat passé entre le professionnel et son client et de lever tous les doutes entre les signataires concernant : les conditions de règlement, les délais et la question des retards, les risques liés aux intempéries ou au terrain, le tribunal de référence en cas de conflit, etc.
Il est donc essentiel pour un piscinier, de faire appel à un avocat pour la rédaction de CGV réellement adaptées à ses domaines d’activité et à ses compétences, terrassement ou pas, gros œuvre ou pas, etc. Attention, les CGV ne permettent pas au piscinier de se décharger de toutes ses responsabilités. Elles doivent contenir l’essentiel sans en ajouter trop sauf à générer un risque.
Des documents contractuels types disponibles sur le site de la FPP
La FPP met à la disposition des pisciniers des Conditions Générales de Vente types qui permettent de cadrer l’activité générale d’un professionnel de la piscine.
Sur son site, la FPP propose aux professionnels adhérents des modèles de documents contractuels pour les aider à structurer leur activité et à cadrer leurs relations juridiques avec leurs clients : conditions générales de vente, devis/bon de commande, PV d’implantation, avenant à un contrat de commande, etc.
Plus d’informations sur propiscines.fr
3. L’assurance décennale, une information légale
L’assurance décennale fait partie des documents à remettre en même temps que le devis mais ne nécessite pas d’être signée. Conformément à la loi n°2014-626 du 18 juin 2014, dite Loi Pinel relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, la signature du devis vaut dès lors que l’entreprise a indiqué sur chacun de ses devis et chacune de ses factures les coordonnées de son assureur et la couverture géographique de son contrat ou de sa garantie.
4. L’étude de sol, obligation ou recommandation ?
L’étude de sol n’est pas à faire signer, elle est à la charge du client. Pour les piscines, elle n’est pas obligatoire mais recommandée selon les situations. Pourquoi ? Parce que le piscinier est responsable du sol. Quand il démarre le chantier il accepte le sol en place et devient responsable des désordres qui pourraient en résulter. Par défaut, une piscine enterrée « décharge » le sol en le décomprimant alors qu’une piscine hors-sol charge le sol.
Le professionnel ne doit cependant pas hésiter à la recommander dans les cas suivants :
- si la construction de la piscine implique une modification de l’environnement du sol ;
- si le sol est trop compliqué (type de terre/roche, relief, constructions à proximité, etc.). Dans ce cas, il faudra également demander au client la réalisation d’une étude béton.
Il doit être précisé dans les conditions générales de vente que l’étude de sol est à la charge du client.
5. Le plan d’implantation, point 0 du chantier
C’est un document essentiel à faire signer avant de démarrer les travaux, rarement signé comme le constatent les experts. Il permet d’éviter les malentendus sur le point 0 et ses conséquences avec des litiges à la clef. Le point 0 est-il sur ou sous margelle ? A-t-il été défini à partir d’un point fixe (terrasse existante, bas de la baie vitrée…) et pas d’un piquet fiché dans la terre qui va peut-être bouger pendant les travaux ?
Le plan d’implantation, c’est un plan avec une coupe de la piscine où sont indiqués précisément les emplacements (escaliers, pièces à sceller, etc.), les hauteurs de chaque élément avec des deltas d’altitude et la profondeur du fond de fouille nécessaire pour le terrassement.
Ce document doit également être conforme aux autorisations d’urbanisme.
6. L’avenant au contrat, un écrit indispensable
Au moment du démarrage du chantier ou en cours de chantier, il peut être nécessaire de réaliser des travaux modificatifs. Ces travaux doivent faire l’objet d’un avenant au devis, à faire obligatoirement signer au maître d’ouvrage, qui va venir modifier, compléter ou annuler une partie du devis initial.
L’avenant peut découler de la découverte d’une cuve en béton dissimulée sous la terre à l’emplacement du bassin, d’une dalle de pierre… qui va nécessiter des travaux supplémentaires qui ne pouvaient pas être déterminés lors de l’établissement du devis originel. Si le professionnel ne peut pas démontrer que ces travaux n’étaient pas prévus et n’étaient pas prévisibles, c’est à lui d’en assumer le surcoût.
7. Le PV de réception partiel, un outil intéressant
Même si le planning des règlements a été établi avant le démarrage des travaux, le professionnel peut procéder à une (ou plusieurs) réception partielle, particulièrement sur de gros chantiers, et faire signer un procès-verbal à son client. Elle peut avoir lieu, par exemple, si la piscine est terminée et remplie d’eau mais que les margelles n’ont pas encore été posées, car dans l’intervalle, si le client endommage le liner, les réparations seront de la responsabilité du piscinier, la piscine restant sous sa garantie contractuelle, le transfert de propriété n’ayant pas été fait.
Ce type de réception permet en premier lieu de purger les désordres visibles, de nature esthétique, et en second, de sortir de la garantie contractuelle qui incombe au piscinier, le client validant la conformité des travaux réalisés jusque-là. Il ne pourra donc pas arguer d’une non-conformité qui ne serait visible qu’à la fin du chantier, par exemple sur les dimensions du bassin. C’est également à partir de ce moment-là que démarrent les garanties prises en charge par l’assurance du professionnel.
Autre situation où un PV de réception partiel peut s’avérer intéressant, c’est à la fin d’un chantier, si le client émet des réserves. Comme elles ne peuvent concerner que de petits désordres, il peut être pertinent de réaliser une réception partielle sur tout ce qui n’est pas concerné, de supprimer ces désordres pour établir un PV définitif sans réserve.
8. Le PV de réception des manuels techniques et notices d’utilisation
Autre manque récurrent à la fin du chantier, la signature par le client d’un procès-verbal de remise des manuels techniques et notices d’utilisation, sur lequel le professionnel aura noté qu’il lui a expliqué le fonctionnement des appareils concernés. L’objectif est de disposer d’une preuve que le client s’est bien vu remettre ces différents documents et les conseils nécessaires pour la bonne utilisation des équipements installés. En l’absence de ce document, le client peut prétendre, par exemple, qu’il n’a reçu ni les documents ni les conseils nécessaires pour la bonne utilisation de son électrolyseur et engager la responsabilité du piscinier qui sera alors obligé de remplacer le liner à ses frais.
Le professionnel doit fournir les notices de chaque appareil installé et un guide d’utilisation de la piscine sur lequel doivent figurer les règles de bon fonctionnement de la piscine (modalités de vidage, paramètres de l’eau, etc.).
Ce PV de réception est également l’occasion de proposer un contrat d’entretien et d’écrire qu’il a été proposé au client qui ne pourra pas dire, là non plus, qu’il ne savait pas.
À noter : le PV de réception des manuels techniques et notices d’utilisation doit être un document à part. Il ne doit pas faire partie du PV de réception de la piscine.
Documents spécifiques aux chantiers de rénovation
9. Le diagnostic avant le devis : prévoir l’imprévisible
Avant tout devis de rénovation, il est indispensable de réaliser un diagnostic précis et généralisé de l’ensemble du bassin, comme pour une maison : contrôle de l’installation technique générale et mise sous pression du réseau hydraulique au minimum.
Quand le diagnostic n’est pas possible, émettre des réserves sur ce que le professionnel risque de trouver après l’enlèvement du revêtement : blocs parpaings qui s’effritent ; polystyrène attaqué par les fourmis, les termines ou les racines ; corrosion sur les piscines en structure métallique, etc. Et une fois la situation claire, stopper le chantier le temps d’obtenir la validation des avenants au devis par le client.
Sur les piscines coque, vérifier la présence d’un puits de décompression sinon il ne sera pas possible de vider la piscine pour la rénover sauf à accepter d’engager sa responsabilité avec obligation, en cas de soulèvement, de la remplacer par une nouvelle. Sachant que, souvent, ce qui coûte le plus cher dans une rénovation, ce sont les interventions sur les aménagements extérieurs, comme une terrasse à casser pour réparer un simple tuyau.
Attention, le diagnostic n’est valable qu’à l’instant T. Les travaux doivent être réalisés le plus rapidement possible après son établissement car la situation peut vite évoluer, particulièrement en ce qui concerne la tuyauterie.
Pour les pisciniers qui font de l’entretien et de la maintenance
10. Un diagnostic de l’installation avant un premier entretien
Piscine coque qui s’est soulevée après une simple intervention pour changer un couvercle du filtre, ou parce que la vanne d’une cascade était mal fermée, capteur du volet qui ne fonctionne pas alors que le bassin est équipé d’un électrolyseur avec comme conséquence la dégradation du liner… Pour éviter ce type de problème, il est essentiel d’établir un diagnostic de la piscine avant toute intervention d’entretien ou de maintenance, quel que soit le nombre de passages. Le technicien doit réaliser un état des lieux complet de l’installation, prendre des photos, montrer au client ce qui ne va pas (usure avancée du revêtement, joint usé, etc.), l’informer et le conseiller sur les solutions pour réparer les désordres identifiés avant toute intervention.
Le contrat d’entretien peut préciser la nécessité d’un diagnostic de l’installation. Et le diagnostic réalisé permet également d’adapter le contrat d’entretien au besoin.
À partir du moment où un piscinier intervient sur un ouvrage garanti par une décennale, même s’il n’en fait que l’entretien, il doit avoir souscrit, en théorie, une assurance décennale adaptée à son activité en complément de sa RC Pro.
À noter : on ne signe pas de contrat en magasin quand on ne connaît pas le bassin.
11. Carnet d’entretien et rapports d’intervention
Un carnet d’entretien doit être remis au client avec chaque contrat d’entretien. En plus de lui rappeler comment fonctionnent sa piscine et ses équipements, il précise également les plages à respecter pour chaque paramètre de l’eau.
Il est intéressant d’y faire figurer les paramètres de l’eau du réseau et ceux de la piscine, relevés à l’ouverture du bassin chaque année. Le carnet d’entretien peut également servir à garder une trace de chaque intervention à partir du moment où le technicien y reporte les résultats de ses analyses (ce qui justifie l’emploi des produits utilisés et facturés) et à condition d’en garder une copie.
La facture peut d’ailleurs servir de fiche d’intervention dès lors qu’elle y est détaillée, sachant qu’elle est un document contractuel au même titre qu’un contrat signé.
Quelle que soit la solution choisie pour historiciser les interventions, si le technicien qui est intervenu n’a pas laissé de trace de son passage et qu’un désordre se manifeste, même par la faute du client (ex : délitage du revêtement), il pourra être mis en cause, ne pouvant démontrer, au moment de l’expertise, qu’il s’était assuré du bon équilibre de l’eau.
12. Le devoir de conseil
Lors d’une intervention ponctuelle, si le professionnel s’aperçoit que la piscine ne dispose pas d’un système de sécurité, il doit rappeler au client que conformément à la loi, les piscines doivent être sécurisées, et l’indiquer sur son devis ou sa facture. Faute de quoi, étant le dernier professionnel à s’être rendu sur les lieux, sa responsabilité pourrait être engagée en cas d’accident !