Après plus de 20 ans au service de la filière, Joëlle Pulinx, secrétaire générale de la FPP, prend sa retraite et passe le relais à Anne-Claire Marquet. Pour marquer ce moment clé, la rédaction d’Enjeux Piscine a eu la chance de rencontrer la nouvelle secrétaire générale et de recueillir sa vision, son parcours et ses priorités face aux grands défis qui attendent la filière.
Dans une seconde interview exclusive, nous avons eu le privilège d’échanger avec Joëlle Pulinx, qui a accompagné la filière pendant toutes ces années. Elle revient sur les moments clés de son parcours, les défis relevés et les réussites partagées, dans un secteur qu’elle a vu évoluer en période de forte croissance comme en temps de crise, de la canicule de 2003 jusqu’à aujourd’hui.
Anne-Claire Marquet : « Notre rôle est d’accompagner nos adhérents pour les aider à s’adapter »
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Anne-Claire Marquet : Avant tout, je tiens à dire que c’est un honneur pour moi de succéder à Joëlle, qui a accompli un travail remarquable de structuration, de développement et de professionnalisation. Son action a permis d’adresser des messages clairs aux pouvoirs publics. Esprit pionnier, elle a notamment lancé la commission prospective, chargée de réfléchir à l’avenir du marché et de la profession. Les nombreux chantiers initiés autour du développement durable (normes, calculateur, etc.) témoignent également de son engagement. Sa longévité à la tête de la fédération est d’autant plus remarquable qu’il n’est jamais simple de diriger une telle structure.
Pour ma part, j’ai dirigé pendant huit ans des fédérations professionnelles dans différents secteurs (distribution spécialisée, presse indépendante, data…), pour lesquelles j’ai mené un important travail de lobbying afin de favoriser le dialogue entre les différents échelons, du local au national, jusqu’au niveau européen. C’est un levier essentiel, d’autant que les fédérations européennes jouent un rôle déterminant dans les décisions prises à l’échelle nationale.
Accompagner les adhérents avec des services concrets constitue également la mission fondamentale d’une fédération. Nous travaillons activement à développer de nouveaux services, en réponse directe à leurs besoins, et à diffuser une information claire et compréhensible sur toutes les actualités de leur métier.
Nous venons d’ailleurs de lancer un service d’alerte sécheresse, un outil simple qui leur permet d’être immédiatement informés de la publication d’un arrêté sur leur territoire et de ses impacts possibles sur leur activité.
Dans une fédération précédente, j’avais mis en place des cafés de codéveloppement : des rendez-vous où des dirigeantes et dirigeants, souvent isolés, pouvaient partager leurs problématiques et co-construire des solutions. Pour moi, une fédération doit avant tout être un centre de ressources au service de ses membres.
Et par ailleurs, je suis titulaire d’un Master 2 en affaires européennes et je pratique la natation (sourire).
Pourquoi avoir accepté de rejoindre la FPP ?
Même si les secteurs sont différents, le secteur de la piscine présente de nombreux parallèles avec celui de la presse indépendante, notamment en raison de la place importante occupée par les très petites entreprises.
Les deux secteurs sont confrontés à des mutations économiques profondes, et notre rôle est d’accompagner nos adhérents pour les aider à s’adapter. L’enjeu consiste à orienter la filière vers une approche plus servicielle et à adapter leurs organisations pour répondre aux nouvelles attentes du marché.J’avais également envie de rejoindre une fédération dotée d’une dimension industrielle tout en étant proche du terrain, qui aborde des sujets concrets – sur lesquels j’ai déjà travaillé, comme les biocides ou la sécurité –, et pour lesquels il est crucial d’accompagner la montée en compétences.
Une fédération est un acteur de la démocratie, qui défend les intérêts de ses adhérents tout en portant l’intérêt général
Vous parliez du lobbying, qui n’a pas toujours bonne image, est-ce une mission essentielle pour une fédération ?
Oui, le lobbying est indispensable pour défendre une filière auprès des pouvoirs publics et valoriser ses efforts, notamment sur la consommation d’eau des piscines. C’est un véritable travail de pédagogie. Il est aussi important de mettre en avant les actions menées pour bien informer le grand public, que ce soit sur les enjeux liés à l’eau ou à l’énergie.
Le lobbying permet de co-construire la régulation et d’adopter une posture proactive afin de permettre à la filière de continuer à travailler dans de bonnes conditions économiques. Le législateur peut parfois être tenté de sur-réglementer, alors même que nous sommes déjà très avancés en matière de développement durable et de réduction d’impact environnemental. La filière représente 60 000 salariés : ce n’est pas anodin.
C’est un travail souvent invisible, mené au quotidien à tous les niveaux : local, national et européen. Il implique de nombreuses rencontres avec le MEDEF, la CPME, les cabinets ministériels… Nous partageons nos chiffres, expliquons nos actions et dialoguons avec les collectivités, par exemple, lorsque des PLU prévoient de nouvelles contraintes. Nous leur rappelons notamment que l’eau des piscines peut être conservée plusieurs années, ce qui limite son impact environnemental.Nous défendons aussi le rôle social et sanitaire de la piscine : activité physique, lutte contre la canicule, convivialité, etc.
Pour les adhérents, il est capital de savoir qu’ils sont représentés et défendus auprès des pouvoirs publics.
Une fédération est un acteur de la démocratie, qui défend les intérêts de ses adhérents tout en portant l’intérêt général. Je défends l’idée que les lobbyistes jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement démocratique. Lorsqu’il est transparent, ce travail contribue à éclairer le débat public. Pour les adhérents, il est capital de savoir qu’ils sont représentés et défendus auprès des pouvoirs publics.
Quels sont les enjeux de la FPP et votre feuille de route ?
Un point crucial est de renforcer notre présence locale. Nous disposons de représentant(e)s territoriaux, que nous formons pour être des points de contact auprès des pouvoirs publics. Il est indispensable de développer ce réseau et d’organiser des rencontres régulières. Nous réalisons une veille des PLU et PLUi. Au niveau local, tout repose sur le réseau et la connaissance fine des écosystèmes et des parties prenantes.
En octobre, la FPP va organiser une réunion stratégique pour définir les orientations à cinq ans pour accompagner les mutations du métier. Nous travaillerons sur les aspects économiques, réglementaires, mais aussi sur l’évolution des attentes des entreprises en matière de recrutement et de formation. Il est important d’identifier les compétences nécessaires dans les entreprises pour accompagner ces mutations.Nous avons également relancé les commissions HSA (hygiène et sécurité) et Spa, afin de mettre à jour nos documents et de redynamiser ces instances. Elles jouent un rôle essentiel pour accompagner nos adhérents et stimuler la demande des consommateurs.
Dans une société fragmentée et morose, la piscine reste un loisir sain, fédérateur et économique
Enfin, nous devons travailler sur l’imaginaire de la piscine, qui s’associe naturellement à de bons souvenirs. Elle apporte des bienfaits sur la santé physique et le moral, mais constitue également un vecteur de lien social, notamment en milieu rural.Avec un parc de 3,6 millions de bassins en France et dans une société fragmentée et morose,la piscine reste un loisir sain, fédérateur et économique : 44 % des propriétaires appartiennent aux classes populaires.
Comment comptez-vous contrer le « pool bashing » ?
Il fait partie du rôle de la fédération de travailler sur l’image de la piscine. Cela se joue à la fois par des actions auprès des pouvoirs publics et par des relations presse destinées au grand public. Nous travaillons sur plusieurs pistes, tant sur le discours que sur les canaux de diffusion.
Il est essentiel d’adopter une approche globale. Les gens accordent d’abord leur confiance à leurs proches. Il nous faut donc identifier les bons relais d’influence capables d’incarner nos messages.Aujourd’hui, faire passer des messages est plus difficile, notamment en raison des algorithmes des réseaux sociaux. Nous devons donc imaginer de nouvelles stratégies et développer des approches innovantes pour toucher nos publics.
Vous venez de prendre vos fonctions, que pensez-vous du secteur et de ses acteurs ?
J’ai été très bien accueillie par les professionnels, toujours disponibles pour répondre à mes questions.
Je suis convaincue que ce secteur a de belles perspectives devant lui. Malgré les difficultés actuelles, le potentiel de développement reste important, notamment dans le domaine de la rénovation. Le savoir-faire des acteurs est remarquable et les solutions sont nombreuses. Même si les particuliers ne s’en rendent pas compte aujourd’hui, dans 10, 15 ou 20 ans, ils auront inévitablement besoin d’un professionnel pour rénover leur piscine.
L’innovation ouvre également la voie à de nouveaux modèles économiques, notamment autour du service. L’enjeu est donc de renforcer le lien avec le client, de le fidéliser et de l’accompagner, tout en valorisant la qualité et en se faisant rémunérer au juste prix, sans se brader. Les clients sont en demande de cette relation de confiance.
Enfin, je tiens à souligner que je travaille avec une équipe de permanents hyper compétents et impliqués, qui m’ont accueillie avec bienveillance et ouverture. C’est un vrai plaisir de collaborer avec eux.
Joëlle Pulinx : un parcours au service de la profession
Pendant plus de 20 ans, en tant que Secrétaire générale de la fédération, vous avez, avec force travail et engagement, accompagné l’évolution de la filière jusqu’à aujourd’hui, et l’avez aidé à traverser les crises et à s’adapter pour mieux se préparer aux enjeux de demain. Pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes devenue secrétaire générale de la fédération et nous retracer les grandes étapes de son histoire ?
Avant d’intégrer la fédération en février 2003, je travaillais à la Commission de la sécurité des consommateurs. Je m’occupais de la communication et pilotais des campagnes de prévention, notamment sur les noyades, en lien avec les pouvoirs publics et les fédérations.
C’est à cette occasion que la FNCESEL m’a sollicitée. Le contexte était particulièrement tendu : la loi Sécurité venait d’être programmée et les professionnels étaient vent debout contre ses dispositions. Je suis allée à leur rencontre lors du salon de Lyon et je me suis présentée, non pas avec un CV, mais avec un projet : développer des services pour les constructeurs, rendre la loi Sécurité applicable et rédiger des documents pédagogiques pour leur expliquer comment s’y préparer.
Je travaillais en parallèle sur la normalisation des quatre dispositifs et j’ai obtenu, en écrivant au Conseil d’État, que la responsabilité incombe aux propriétaires de piscines, et non aux professionnels, grâce à la remise d’une note technique sur la sécurité.
À mon arrivée, la fédération ne comptait qu’une assistante et 450 adhérents. J’ai assuré moi-même les conseils juridiques, le temps de constituer une équipe. Les premiers collaborateurs à me rejoindre furent Jean-Michel Susini et Valérie Robelin, puis Pierre Iorio, chargé de poursuivre la normalisation et de piloter les commissions techniques. Jean-Michel, lui, répondait aux nombreuses questions d’urbanisme. Ensemble, nous avons travaillé à la professionnalisation de la filière avec davantage de communication auprès des adhérents, la création du site internet, l’organisation de rendez-vous presse, etc.Aujourd’hui, la FPP dispose de 11 permanents, et son budget de fonctionnement a augmenté – grâce à la hausse du nombre de cotisants – afin de pouvoir couvrir l’ensemble des sujets à traiter.
À quels autres grands enjeux la FPP a-t-elle été confrontée au fil des années ?
Un autre défi majeur fut celui de la normalisation européenne. En consultant un texte d’enquête publique, j’ai découvert un projet de norme sur les piscines publiques qui risquait de s’appliquer aux piscines familiales et de menacer l’existence du marché. Nous avons immédiatement réagi : recrutement d’un lobbyiste européen, création d’une commission de normalisation au sein de la fédération et mobilisation des sociétés françaises implantées à l’étranger pour défendre les intérêts de la profession.
Nous avons démontré, face aux positions allemandes, qu’un paquebot n’est pas un dériveur et qu’une piscine publique n’est pas une piscine familiale. Ce travail a abouti à la création du comité TC402 et du groupe de travail WG1 dédiés aux piscines familiales, que la FPP préside encore aujourd’hui.
À partir de 2007, j’ai proposé l’organisation d’un premier séminaire stratégique afin de définir la raison d’être de la fédération et d’établir un plan d’actions. De là sont nés les baromètres et les études. Le challenge a été d’obtenir des chiffres des entreprises et de les fédérer pour inscrire la profession dans un développement durable, à la fois économique et environnemental. Trois axes stratégiques ont été fixés : Promouvoir, Professionnaliser et Défendre.
L’étude sur les mots de la piscine a également été un tournant pour la profession. Elle a révélé la nécessité de mettre fin aux dénigrements entre les différentes techniques de construction et a mis en évidence des thèmes prioritaires pour le public : sécurité, environnement, qualité, etc. Cela nous a amenés à créer la commission Qualité, à élaborer un référentiel avec Socotec et à lancer le label ainsi que la charte Propiscines pour rassurer les consommateurs.
Elle nous a aussi orientés vers la création d’un site internet grand public, conçu pour être une source d’information de référence et rassurer, sans vocation commerciale, et à l’enrichir grâce aux thématiques mises en lumière par l’étude. Des thèmes qui ont également alimenté notre stratégie de relations presse.
En 2006, nous avons lancé la commission Développement durable, ce qui a fait de nous la première fédération en Europe à publier des documents sur l’environnement. Nous avons travaillé avec une consultante, puis avec un expert interne, pour accompagner la profession dans sa transition écologique. Dès 2010, nous avons proposé des outils innovants : calcul de l’impact carbone, recommandations sur les économies d’eau et d’énergie, création d’un calculateur environnemental…Un autre défi a été d’obtenir des solutions d’assurance décennale pour les professionnels. Grâce à l’expertise et au travail technique de structuration et de rédaction réalisés par les membres des commissions, nous avons convaincu AXA que nos adhérents possédaient les compétences nécessaires pour bénéficier de cette assurance. Ce partenariat est devenu stratégique et a renforcé la crédibilité de la fédération.
Quelles ont été vos grandes satisfactions et réussites ?
Avoir pu aider la profession à grandir, à se structurer et à se professionnaliser, dans la mesure de mes moyens, et d’avoir contribué à éviter des réglementations qui auraient pu menacer le marché.
Je ne serais jamais parvenue à mettre en œuvre la politique et la stratégie définies par le conseil d’administration sans la confiance de mes présidents et des administrateurs de la FPP. Une fédération est une fabrique de consensus, où des concurrents acceptent de mettre leur casquette de côté pour agir dans l’intérêt de la profession.
Nous pouvons également être fiers du travail collectif accompli pendant la période du Covid, où l’équipe a su faire preuve de réactivité et d’une implication exemplaire. C’est une véritable satisfaction pour moi d’avoir pu m’appuyer sur une équipe de permanents fidèles, compétents et impliqués au service des adhérents.
L’augmentation du nombre d’adhérents est le fruit de la reconnaissance de tout le travail accompli et des résultats obtenus.
Et maintenant, quels sont vos projets et vos nouvelles missions ?
Je ne quitte pas la profession. De nouvelles missions m’ont été confiées : travailler sur les piscines publiques et les piscines collectives privées, avec la création d’une commission dédiée. L’objectif est de recruter de nouvelles entreprises ciblant ces marchés, afin que la fédération soit représentative de l’ensemble de la filière piscine et devienne l’interlocutrice de référence auprès des pouvoirs publics. Il s’agit notamment de mettre en relation celles qui proposent des solutions avec celles qui en cherchent, notamment dans le cadre du décret tertiaire. Mon rôle sera aussi de contribuer à faire évoluer les normes, afin de favoriser le développement des piscines collectives tout en réduisant leurs contraintes.
Je poursuis par ailleurs mon engagement au sein de l’EUSA et du WAPSA.
Pour l’EUSA, de nouveaux statuts sont en préparation, accompagnés d’une feuille de route stratégique. L’objectif est d’intensifier les échanges d’informations – notamment de données chiffrées – entre les fédérations pour les aider à se structurer, renforcer le lobbying à Bruxelles et accroître le poids économique du secteur au niveau européen.
Au sein du WAPSA, je représente la France et je pilote la commission environnementale. L’objectif est de recueillir davantage de données sur le poids économique du secteur et de travailler globalement sur les enjeux environnementaux, afin d’identifier des solutions et de définir des axes de communication pour la filière.
Je tiens à remercier les présidents et les administrateurs qui m’ont accordé leur confiance au fil des années, ainsi que toute l’équipe pour ses compétences, son implication et tout ce qu’elle m’a apporté sur le plan humain.
Enfin, j’adresse un message particulier à Anne-Claire, déjà très impliquée, qui a toute ma confiance pour accompagner la profession face aux enjeux à venir.