AccueilMarketing & gestionStratégieMonter en gamme : la solution face à des prix toujours plus bas ?

Monter en gamme : la solution face à des prix toujours plus bas ?

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Le secteur de la piscine est actuellement en pleine transformation. D’un côté, il y a une baisse du chiffre d’affaires — une situation de crise — et des clients qui aspirent à réduire leurs dépenses, et de l’autre, des nouveaux entrants sur le marché qui tirent les prix vers le bas, créant une concurrence qui met à mal les réseaux de distribution historiques. Face à cet état de fait, le premier réflexe peut être de se positionner sur un alignement des prix à la baisse. Cette attitude adoptée dans l’urgence, en réaction, a beau être la plus spontanée, et peut-être la plus intuitive, elle n’est pas la plus pertinente à long terme. Au contraire, même… 

À l’opposé, une manière différente de se défendre quand un marché tire ses prix vers le bas est de sortir, tête haute, du jeu, en regardant au-dessus de la mêlée, et en visant le « plus » plutôt que le « moins ». C’est l’idée de « monter en gamme », que nous allons aborder avec Romuald Vigier, auteur d’un livre (1) sur le sujet et ex-consultant spécialiste du domaine.

(1) Expérience client et qualité perçue : Montez en gamme !, Vigier Romuald, éditions GERESO, 2023

« Le principe de la montée en gamme, c’est que si on doit combattre quelqu’un ou se positionner comme son concurrent, on doit se démarquer. Or se battre sur son terrain, c’est-à-dire là où il a son expertise et là où il a tous ses atouts, ce n’est pas la stratégie la plus pertinente », explique Romuald Vigier. Il prend l’exemple d’un match de tennis : si l’adversaire est bon en jeu de fond de court, il est vain de le défier sur son terrain…

Il faudra aller au-devant du filet, tout miser sur des frappes courtes. C’est la stratégie qu’emploient les sportifs, et c’est une stratégie que l’on retrouve depuis la nuit des temps. David contre Goliath l’illustre bien : « David a vaincu Goliath parce qu’il a su aller sur un autre terrain que celui où son rival excellait. La montée en gamme, c’est la même chose. C’est, plutôt que d’aller là où le concurrent est le plus fort, décider de changer de terrain en faveur d’une situation dans laquelle on excelle. »

Plutôt que d’aller là où le concurrent est le plus fort, décider de changer de terrain en faveur d’une situation dans laquelle on excelle

Revenons sur ce premier réflexe de baisse des prix. Il ne s’agit pas d’être dogmatique : une entreprise, si elle a la possibilité de s’aligner sur son concurrent sans se mettre en danger sur le long terme, peut choisir cette approche. Le sujet est là : le long terme… et plus précisément, la trésorerie et les capacités de financement à long terme. « Face à un concurrent qui s’impose et séduit en réduisant les prix, la réaction est de se dire : il faut qu’on s’aligne. Le plus souvent, à court terme, avec des promotions, cela est envisageable. Puis l’entreprise va se retrouver à rogner sur ses marges, jusqu’au moment où elle rogne tellement qu’elle n’a plus les moyens d’investir dans l’innovation, dans de nouveaux outils, dans de la communication… Elle va finir par couler, ou, en tout cas, par être mise à mal. Dans une démarche similaire, penser diminuer la qualité est illusoire : les consommateurs n’acceptent pas les retours en arrière sur leur confort ou sur la technologie », prévient Romuald Vigier. 

S’ajoute que dans une spirale infernale de baisses de prix, avec plusieurs sociétés s’affrontant, le client ne reste pas longtemps gagnant. Lui aussi finit par perdre, car s’il n’y a plus d’innovations, plus d’investissements, il se retrouve avec du matériel de piètre qualité. Ce n’est pas non plus ce qu’il souhaite…

Alors, comment fait-on ? Le constat doit-il être pessimiste et orienter vers une lutte perdue d’avance ? Absolument pas ! Le constat peut même être optimiste : il y a une autre bataille à mener, et elle donne l’occasion aux entreprises de se réinventer.

Dans une spirale infernale de baisses de prix, le client ne reste pas longtemps gagnant

La confusion est facile entre la montée en gamme et le luxe, parce que l’on pense tout de suite « haut de gamme ». Monter en gamme ne signifie pas, pour les piscines, voir plus grand, avec des revêtements plus exclusifs ou des accessoires plus tendance ou glamours. C’est bien plus écouter son client, ses besoins, et lui apporter le produit ainsi que le service qui répondent à son désir, exprimé ou inconscient

La montée en gamme va être une recherche de qualité, mais pas seulement. « S’il y a un élément à ne pas oublier dans la montée en gamme, c’est l’irrationnel, le sentimental, le supplément d’âme. À un moment donné, la relation affective entre le client et la marque (le magasin, le produit) prend le pas sur les chiffres et la technique. Il est prêt à mettre plus parce que ça lui plaît, ça lui “parle, ça lui “correspond, ça fait écho en lui… » développe Romuald Vigier.Alors, monter en gamme, c’est quoi ? Eh bien, cela va être trouver un domaine d’excellence et de distinction de la marque — existant, à identifier ou à déployer — qui sera une réponse à un besoin/désir client observé, et l’utiliser comme point de départ pour lancer sa nouvelle stratégie.

La montée en gamme part d’un domaine d’excellence de l’entreprise tout autant que de la réponse à un besoin client. Or rien n’est plus complexe que de saisir un besoin client. Cette célèbre citation attribuée à Henry Ford en témoigne : « Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu des chevaux plus rapides. » Si Edison avait sondé ses semblables, il aurait sans doute inventé des bougies plus durables, mais pas l’ampoule électrique…

Bien connaître son client est la clé, et c’est derrière le besoin ou l’attente exprimée qu’il y a un monde à explorer.« La montée en gamme passe par l’écoute. Il faut bien cerner son client. Pourquoi achète-t-il une piscine ? Pour faire du sport ? Pour se rafraîchir ? Pour donner une plus-value à sa maison ? Pour accueillir sa famille et ses amis ? Pour montrer sa réussite sociale ? Les propositions changeront en fonction du profil de l’acheteur.
Monter en gamme, c’est changer de paradigme. Ce n’est plus seulement vendre un produit, c’est vendre de la satisfaction, ne plus se préoccuper de ce que l’on vend, mais de ce qui compte pour le consommateur. Ce qu’il achète, c’est souvent bien plus que le produit lui-même. C’est une expérience, un confort, un signe distinctif… ».

Monter en gamme, c’est aussi vendre de la satisfaction, se préoccuper de ce qui compte pour le consommateur.

Monter en gamme va pousser une entreprise à évoluer dans des directions jusqu’alors non (ou peu) investiguées. « Interroger ses clients est un bon point de départ. Les interroger sur ce qu’est pour eux une piscine de qualité, ou un “bon robot, ou une “bonne couverture, puis prolonger l’échange dans d’autres domaines. Qu’est-ce qu’une voiture de qualité ? Qu’est-ce qu’un ordinateur de qualité ? Qu’est-ce qu’une tondeuse ou un aspirateur de qualité ? À partir des réponses, il devient possible de repérer les signes qualitatifs que l’on va transposer au secteur qui nous intéresse. » 

Le conseil d’un consultant sera pertinent dans cette démarche. Cela fonctionne aussi avec une nouvelle recrue, à laquelle on pourra demander un rapport d’étonnement. En effet, un professionnel présent dans un métier depuis 10 ans, 15 ans ou plus, aura ses réflexes. La personne extérieure, elle, arrive avec un nouveau regard. Elle découvre le secteur avec une certaine candeur. Elle est surprise, elle s’étonne. Elle peut aussi être plus à même d’observer que les consommateurs changent.

La préoccupation écoresponsable, désormais incontournable, qui va de pair avec la crainte du pool-bashing, est devenue un sujet à investir. En associant l’expertise métier du professionnel aguerri de la piscine et le regard neuf d’un consultant ou d’une nouvelle recrue, on ouvre des portes. « Les débats amènent des visions complémentaires.

Ceux qui sont là depuis longtemps amènent des vérités qui pourraient échapper au nouveau venu, mais ce dernier va être plus ouvert à des visions différentes. »La réflexion pourra aussi venir d’échanges avec des confrères au sein de réseaux professionnels, de formations, dans des séminaires. Observer ce qui se passe dans d’autres secteurs, plus ou moins proches, un peu « en avance », est pertinent pour transférer de bonnes pratiques, en les adaptant, bien sûr. L’intelligence collective gagne toujours à être sollicitée.

Ce qui est pertinent pour une typologie de client ne l’est pas pour une autre, nous l’avons déjà évoqué. Pour un client féru de naturalité, avoir le choix d’une piscine utilisant des systèmes de filtration plus « naturels » et très peu (voire pas) de produit chimique sera plus pertinent qu’un argument de piscine connectée dernier cri. Sauf peut-être si le professionnel de la piscine sait lui expliquer que les équipements digitaux lui permettront de mieux maîtriser sa consommation d’énergie et de consommables. 

Pour l’esthète, l’option de buses et équipements « invisibles » qui se fondent dans le décor minéral de sa piscine à débordement sera un argument clé, ce qui ne sera pas le cas du sportif, par exemple, qui veut pouvoir nager à contre-courant, ou de la famille qui fait de son bassin, à fond plat ou à fond mobile un espace de jeu sécurisé. L’expérience bien-être des uns passera par des éclairages et ambiances personnalisées (sons et lumières) et par des zones de balnéothérapie et des équipements additionnels pour d’autres. 

Du point de vue du technicien ou d’une collectivité, la montée en gamme peut se matérialiser dans l’ergonomie et la facilité d’accès des équipements lors des opérations de maintenance, ce qui comptera moins pour des propriétaires qui délèguent intégralement leur entretien.

La montée en gamme n’est pas seulement une stratégie de survie, c’est une opportunité de croissance durable

Y’a-t-il une recette miracle de la montée en gamme ? Non, ce serait plutôt un état d’esprit : bien connaître ses clients pour innover là où c’est juste et pertinent pour eux, leur proposer le service qui répond à leurs attentes, leur offrir quelque chose qui soit en adéquation avec leurs véritables motivations.
Monter en gamme, c’est également recentrer son entreprise sur sa raison d’être, sa vision de son métier et de ce qu’elle veut apporter au marché.
C’est un travail de longue haleine, un choix volontaire et une démarche aussi enthousiasmante que passionnante. « La montée en gamme n’est pas seulement une stratégie de survie, c’est une opportunité de croissance durable » conclut Romuald Vigier.

Piscine de France Aurillac récompensée d’un Trophée d’Argent dans la catégorie Couloir de Nage. (C) CL Visual Maker