Eaux et Piscines : « Les clients sont devenus très exigeants et très impatients »

Un peu d’histoire …
Au milieu des années 80, Luc Barriol est conseillé de vente chez Technic Eau à Saint-Rémy de Provence, puis directeur commercial et responsable des achats chez Aqualux, une toute nouvelle entreprise créée par Francis Guillot. En 1998 il ouvre, toujours à Saint-Rémy-de-Provence, un magasin, Eaux et Piscines. L’année suivante il s’associe pour créer le groupement Vivo, puis il crée, en 2004, la marque Ozéo, forte aujourd’hui de 10 magasins. Il est revenu pour nous sur les évolutions du marché de la piscine au travers de son expérience via son magasin Eaux et Piscines.

Enjeux Piscine : Quelles ont été les principales évolutions qui ont marqué la vie de votre magasin Eaux et Piscines ?

Luc Barriol : Lors de la création d’Eaux et Piscines, en 1998, la vocation de l’entreprise, avec son magasin de 200 m², était la vente de matériel de piscine aux particuliers. Très vite la demande grandissante des particuliers m’oriente vers la construction et le service. Trop à l’étroit dans notre magasin de l’époque j’achète, en 2000, un terrain de 5 000 m² toujours sur St-Rémy-de-Provence pour recevoir un bâtiment neuf et structurer l’entreprise.

Des changements dans les demandes des clients ?

Aux débuts de l’entreprise, la règle, dans notre région des Alpilles, était la piscine carrelée. Il a fallu expliquer et argumenter pour convaincre les clients des avantages du liner et de la membrane armée. C’est, je dirais, la principale évolution. Pendant de nombreuses années, et contrairement à beaucoup de régions de France, ici, la taille des bassins construits était toujours sensiblement la même, entre 50 et 60 m². Aujourd’hui le marché a évolué et nous sommes capable de suivre la demande et de construire de la piscine de moins de 10 m² jusqu’à des bassins de très grande dimension.Beaucoup de propriétés agricoles sont cédées, souvent achetés par des étrangers, des chefs d’entreprises ou des célébrités qui viennent chercher le calme et l’anonymat. La piscine est quasi indispensable car nous sommes éloignés à la fois de la montagne et de la mer, et celle-ci permet également de valoriser le mas. Depuis l’origine, les bassins ont toujours été généreusement équipés et aujourd’hui, bien sûr, les traitements automatiques par électrolyse à l’eau salée avec régulation redox, couvertures automatiques, robots, chauffage, sont systématiquement présents, doublant ainsi quasiment le prix initial du bassin. C’est cela le plus gros changement sur ces quelques dernières années, notamment après le COVID, qui a vu naitre une véritable demande pour du confort supplémentaire. À noter que la membrane armée est aujourd’hui plébiscitée grâce notamment aux nouveaux coloris proposés, à la texture 3D, et à sa grande longévité. La pierre naturelle est également généralement retenue dans l’environnement du bassin. La clientèle de notre région est, depuis toujours, demandeuse de services.

La taille des bassins construits fait le grand écart avec toujours une part forte pour les bassins de 50 à 60 m²

Les relations avec les clients ont changé ?

Oui, très certainement. Il y a 20 ans, il y avait une véritable relation de confiance entre les clients et leur piscinier. Aujourd’hui les clients sont devenus très exigeants et très impatients, trop individualistes et ne montrent que très peu de reconnaissance envers les efforts que nous déployons. À titre d’exemple, nous sommes ouverts 6 jours sur 7 et nous assurons des astreintes mais pour 80 % d’entre ceux, c’est devenu normal. Lorsqu’un client nous contacte pour une ouverture de bassin et que nous ne sommes pas capables de répondre sous 48 heures du fait d’un planning particulièrement chargé c’est, pour beaucoup, presque un véritable scandale !

Des évolutions dans votre magasin et dans son offre ?

En 1998, dans notre 1er magasin qui avait plus l’apparence d’un bureau élargi que d’un véritable magasin, nous ne vendions que quelques accessoires et quasiment peu de services. Dès notre déménagement, en 2000, nous avons fait le choix de recevoir nos clients dans une vaste point de vente de 350 m² adossé à 500 m² de stockage et de proposer des prix attractifs avec pour objectif de réaliser des volumes importants en chimie, bien sûr, mais aussi sur les robots et accessoires. Depuis, notre offre magasin s’est élargie avec notamment le chauffage, des gammes de PAC, ainsi que des volets que les clients peuvent installer eux-mêmes ou choisir d’être assistés par nos équipes techniques. Nous disposons également, d’une offre très large de pièces détachées et ce même pour les produits que nous n’avons pas vendus… c’est un service particulièrement apprécié.

Des changements notables dans vos équipes ?

Actuellement nous employons 22 personnes à temps plein dont 4 techniciens dédiés à la technique et l’équipement, 4 dédiés à l’entretien des piscines et aux services, et 2 responsables SAV, 1 itinérant et 1 sédentaire. Entre 2000 et 2010 je dirais que nos équipes étaient stables et que le turnover était inexistant. Si nous n’avons pas connu la crise en 2008 elle est arrivée chez nous 2 ans plus tard, en 2010. C’est la seule année dans la vie de l’entreprise où notre chiffre d’affaires a été inférieur à celui de l’année précédente. C’est également à partir de 2010 que nous avons eu à gérer des équipes moins fidèles, aussi bien au magasin que dans les équipes techniques, avec toutes les contraintes et les inconvénients que cela génère, à l’exception de nos collaborateurs fidèles qui sont toujours présents et sont le socle de l’entreprise.

Depuis 2021 les équipes sont de nouveau stables. Nous avons évolué dans nos recrutements. Nous privilégions désormais des candidats locaux, qui ont peu de kilomètres à faire depuis chez eux. En effet avec des recrutements plus éloignés nous avons malheureusement souvent eu à gérer, après 1 an ou 2 de présence dans l’entreprise, des départs de ces collaborateurs vers leur région d’origine.
Nous assurons les formations de nos techniciens en interne, tout particulièrement durant l’hiver.

Les clients sont devenus très exigeants et très impatients.

Des modifications dans la répartition de vos activités ?

Nous constatons une progression continue de la rénovation dans notre activité. À titre d’exemple en 2019, année de référence avant Covid, notre chiffre d’affaires se répartissait ainsi : 45 % en construction, 15% en rénovation, 30 % pour la partie négoce et 10 % pour la partie services.

En 2023, la part construction a représenté 30%, la rénovation 35%, le magasin 27% et l’entretien et le service 8%. Nous sommes persuadés que la part de la rénovation, qui a doublé ces dernières années, va continuer à progresser. C’est un métier d’avenir mais qui demande de vraies et nombreuses compétences.

Un point sur vos affaires à date ?

La concurrence a bien évolué. Au début de notre activité nous étions très peu nombreux dans un rayon de 40 km autour de Saint-Rémy-de-Provence, autant d’un point de vue “négoce” que service et construction, et nous n’étions entourés que de sociétés structurées, qui nous ressemblaient. C’était une vraie concurrence. Aujourd’hui, dans un rayon de 15 km, nous avons plusieurs magasins concurrents importants, et autant de pisciniers « camionnette » peu ou pas structurés, souvent en microentreprise, ce qui rend la compétition plus féroce. Cependant, nous continuons à nous différencier en proposant toujours plus de services, de rigueur, et de présence. Nos clients savent qu’ils peuvent compter sur nous. Cela les conforte dans leur choix et augmente la portée du bouche-à-oreille qui est notre première publicité.

Cette année, malgré tout, le magasin est en recul de 5 % principalement en raison de la météo qui a impacté tout particulièrement les ventes de chimie et de robots. C’est un phénomène général car nous constatons que beaucoup de nos confrères ont commencé les promotions à très bas prix sur certaines familles de produits dès le 15 juin, soit beaucoup plus tôt qu’à l’accoutumée.

D’une façon générale, nous nous attendions à un léger recul de notre chiffre d’affaires en fin de saison, après la croissance à deux chiffres des années 2022 et 2023. Nos résultats 2024 devraient malgré tout rester nettement supérieurs à ceux de 2019, année de référence. (NDLR : interview réalisée le le 10 juillet).Pour la partie chantier nous avons bouclé notre année 2024 et nous avons déjà signé des commandes pour 2025. Cependant un phénomène nouveau est apparu après l’annonce, il y a 1 mois, de la dissolution de l’assemblée : elle a engendré une prise de recul immédiate des clients, désormais dans l’expectative. La demande de devis est bien présente, mais la transformation un peu plus longue. La météo de cette fin de saison et de l’automne compteront pour beaucoup.